Les cyber-clients sont de plus en plus nombreux, divers et fidèles. Les ventes en ligne battent des records. Une belle croissance que pourrait assombrir la persistante fracture numérique.
« Voilà qui va modifier les comportements au bureau », fait mine de déplorer Renaud Dutreil. Les acheteurs en ligne sont de plus en plus nombreux, divers et fidèles. « Un bilan très positif », selon le ministre des PME et du commerce, qui annonçait jeudi dernier les chiffres du e-commerce 2006. Les emplettes étaient déjà l’activité la plus pratiquée sur le Net derrière la messagerie, voilà qu’elles battent tous leurs records. Presque 18 millions de personnes ont acheté sur la toile au cours des trois derniers mois...Soit un tiers de plus que l’an dernier
[1]
.
Tout cela semble bien refléter une démocratisation du surf et de l’achat en ligne. Ainsi, l’activité se féminise. Malgré leur position encore minoritaire sur le web, les femmes pratiquent de plus en plus le shopping virtuel. Cela explique, diront les mauvaises langues, les performances de la Redoute ou des Trois suisses, abonnés au top 10 des sites les plus visités. Ou encore l’explosif succès des cyber-soldes 2007 : le premier jour, plusieurs sociétés de vente en ligne ont battu leur record de chiffre d’affaires. Mais pour l’ensemble du commerce sur le Net,« ce n’est pas encore la parité complète », remarque Benoît Cassaigne de l’Institut Médiamétrie,« même si ça ne saurait tarder », poursuit-il, optimiste.
Autre surprise : le vieillissement des cyber-clients. Selon Médiamétrie, la part de plus de 50 ans a progressé de 60% en un an. Et la majorité des acheteurs a aujourd’hui plus de trente ans. De quoi réjouir les commerçants de la toile, puisque cette population plus âgée dispose d’un pouvoir d’achat supérieur à celui des jeunes générations. Cette nouvelle clientèle nombreuse et variée nourrit la croissance du marché du cyber-commerce. Son chiffre d’affaire total l’an dernier : 12 milliards d’euros, soit plus 37% par rapport à 2005.
La fracture numérique toujours d’actualité
Même la proportion des acheteurs moins aisés progresse, jusqu’à un tiers des cyber-clients. Peut-être pour profiter des réductions de prix, le deuxième critère de l’achat en ligne. Sur le net on trouve de tout, même des voitures déstockées.« Les véhicules se vendent 20 % moins cher que dans le commerce classique, avec les mêmes garanties », assure Pierre Kosciusco-Morizet, PDG de Priceminister.com. Aujourd’hui, les internautes “défavorisés” font leurs courses en ligne autant que les plus aisés.
La confiance pourrait constituer l’un des moteurs de ce succès : paiements sécurisés, livraisons rapides... Un internaute sur deux compte bien cliquer pour acheter cette année. Ceux qui pratiquent déjà ce "sport" semblent faire confiance aux cyber-commerçants : un sur cinq a acquis au dernier moment (après le 15 décembre) ses cadeaux de Noël. Pour répondre à ce succès, la Poste déploie les grands moyens.« Nous allons créer le réseau Citissimo, des automates accolés aux bureaux de postes, sécurisés et disponibles 24h/24 », explique Christian Emery. Un service prévu sur Paris et les grandes agglomérations, seulement.
Alors, démocratisation, certes. Mais encore toute relative. Si le nombre de connectés n’augmente pas plus vite, le succès du cyber-commerce risque de se tasser. Les inégalités entre ville et campagne persistent. Et n’oublions pas que, si 30% des Français ont acheté sur internet en 2006, moins d’un foyer sur deux bénéficie d’une connexion, et qu’à peine plus d’un sur sur deux, seulement, possède un ordinateur. La fracture numérique reste bien réelle. Et 18 millions d’acheteurs sur 47 millions de Français de plus de vingt ans, c’est encore une minorité.
Que le ministre se rassure donc, même en cette faste année e-commerciale, les heures de travail ne devraient pas être trop perturbées.