Avortement, embryons surnuméraires, euthanasie, les forums de discussion polémiques ne manquent pas sur Inxl6, le portail jeune des catholiques de France. Pourtant, Bénédicte ne sursaute pas chaque matin en parcourant les messages : « En règle générale, il n’y a pas de souci. Je supprime les messages trop violents ou vulgaires ou ceux qui n’apportent rien au débat, par exemple "ah oui, je suis d’accord". » Si elle concède une certaine anxiété à la vue d’un nouveau fil « IVG », les fermetures restent rares. Récemment les passions déchaînées par la messe en latin l’ont contrainte à ce choix. Le message christique jouerait-il le rôle de modérateur inconscient ? Bénédicte le pense : « Ils ajoutent parfois des formules marquant le respect de la parole comme "fraternellement" ou "paix" »

Tous les visages du catholicisme ont la parole

La ligne éditoriale du site limite de toute façon le travail de modération. Traditionalistes comme Jeunesses ouvrières catholiques (JOC), des chrétiens de gauche, toutes les tendances sont les bienvenues : « Nous appartenons à la Conférence des évêques de France, mais elle possède son propre site. Le nôtre ne leur sert donc pas de tribune, nous disposons donc d’une très grande liberté. Les nouveaux venus ne doivent pas se sentir exclus, quelle que soit leur position. » Bénédicte semble aussi avoir une conception large de la notion d’« échange civil ». Ivan lance le débat : « Entendu ce soir sur le journal de la 2 : "Aujourd’hui en France, un enfant sur deux naît hors mariage, presque un record en Europe (...) On parle d’un modèle français !" Beau modèle ! Rappelons que notre jeunesse est la première consommatrice de cannabis d’Europe et parmi la toute première à se suicider. » Grégoire suggère aimablement : « Une star de la politique a récemment repris à son compte le slogan : "la France tu l’aimes ou tu la quittes". Je trouvais cela un peu simpliste, mais finalement, quand je vois à quel point vivre en France aujourd’hui à l’air décevant et insupportable pour toi Ivan, je me demande si tu ne devrais pas y penser... » Modérer oui, aseptiser non. Catholique pratiquante, Bénédicte possède ses propres convictions. N’exerce-t-elle pas une censure inconsciente ? Elle assure le contraire : « Je n’applique pas aux autres mes préceptes de vie. Ainsi, je ne suis pas favorable à l’avortement, tout en comprenant qu’on y ait recours » Un petit saut sur un fil au hasard confirme ses dires. Pro et anti s’expriment, sans restriction. En cas d’hésitation, Bénédicte met le message en attente, l’annote à l’attention des trois autres personnes chargées du site et tranche en fonction de leur avis. Elle considère aussi que la modération est une affaire collective : « Il m’arrive de laisser des messages déformant un article par exemple. D’autres feront remarquer l’erreur, je n’ai pas à faire le professeur », plaisante-t-elle. « La personne a exprimé ainsi son opinion, la discussion est lancée. » L’essentiel de son temps, Bénédicte le passe en fait à... corriger les fautes d’orthographe. Au même titre qu’une missive intolérante, un « post » truffé de fautes ira droit à la poubelle : « Le matin, quand j’ai 100 messages, je ne peux pas me permettre de passer un quart d’heure à déchiffrer l’un d’eux, aussi intéressant soit-il. Au début, j’avais des scrupules, plus maintenant. » Elle réfléchit actuellement à un bref message rappelant aux nouveaux inscrits la nécessité de respecter règles de politesse et de syntaxe. Plus qu’un jugement excessif, le temps que certains internautes consacrent aux forums l’étonne. Logiquement, la modération n’est pas sa partie favorite du travail, elle préfère de loin rédiger des articles ou faire des revues de presse : « Si je n’étais pas catholique, ça me saoûlerait vite » confesse-t-elle. La tâche n’en n’est pas pour autant dépourvue d’intérêt : « J’apprends beaucoup en lisant intégralement les messages. » Et la modération est un formidable entraînement quotidien à la tolérance, vertu catholique s’il en est.

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