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De pin et d’ébène (par Cécilia Panfolfi)

par La Rédaction.
Article publié le dimanche 5 mars 2006.
 
Que s’est-il passé avant. A partir d’une photo, imaginer la chaîne d’événements ayant conduit à cette situation. Cycle : un violon flotte à côté de la tête d’un nageur.

Il a intérêt à me le remonter. Crétino, stupido. J’aurais dû m’en méfier, de ce planton fébrile. Pourtant je m’approchais tranquillement, j’avais rendez-vous après tout. L’ambassadeur du Bengale m’avait commandé un solo de Bach pour le mariage de son fils. Do, sol, ré, la, en traversant le Rialto, je répétais en moi-même le tourbillon des accords.

Au bout du pont, la grille du palais, haute et hautaine. Je ne sais pas trop ce qui lui a pris au ptit soldat, sans doute s’est-il imaginé que je transportais une arme dans la housse. Il s’est rué sur moi, m’a jetée à terre, en vociférant des mots inconnus. La malle a craqué sous le choc et mon violoncelle a glissé sous la rambarde. Maintenant mon trésor flotte sur la lagune. Les touristes attroupés s’extasient sur la patine de ses courbes. D’autres louent le courage de ce nigaud, qui a plongé dès qu’il a réalisé son erreur. Il peut bien choper une pneumonie, si vous voulez savoir ce que je pense. Tant qu’il n’abîme pas les quatre fils d’acier tendus, mes cordes vocales. Do, sol, ré, la, la seule façon de montrer que je suis là.

Il y a 25 ans, en Sicile, je suis née sans voix. Mes parents non plus n’ont rien dit, paraît-il, quand les docteurs ont avoué leurs successives impuissances. On est pas des bavards dans la famille. Mon père surtout. Les gens disent que c’est à cause de son métier. Moi je m’en fichais, j’aimais bien jouer dans les copeaux échoués sur le sol de son atelier.

Un matin de juillet, sans un mot, mon père a quitté le village. Sur ses épaules, il avait accroché trois de ses plus belles planches. Erable, pin et ébène. Un mois plus tard, mon père était de retour, toujours le dos courbé. Mais cette fois-ci, il portait le cadeau de mon sixième anniversaire. Do, sol, ré, la, depuis j’ai joué pour les foules et les princes. Mon père, lui, fabrique encore des cercueils.


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