« Je est un autre ». Telle est la phrase, piquée à Rimbaud, qui résumerait I’m not There, le film de Todd Haynes sur la vie de Bob Dylan. La ou plutôt les vies d’une icône américaine passée de la folk militante au rock le plus débridé.

Charlotte Gainsbourg et Heath Ledger en couple à l’écran

Le film met en scène 6 personnages fictionnels qui correspondent chacun à une facette, à une époque de la vie de l’insaisissable artiste. « Je pense que tous ceux qui étaient en quête du vrai Dylan ont échoué, explique Todd Haynes, et que personne ne pouvait approcher la vérité sans passer par le biais de la fiction. »

Le film n’est donc pas une biographie mais un long « poème filmique » où le vrai et le faux s’entremêlent, où le noir et blanc et la couleur se répondent, où Bob Dylan n’est pas un mais multiple.

Marcus Carl Franklin

Il est à la fois Arthur, le poète symboliste et rebelle, et Woody, (Marcus Carl Franklin) ce vagabond noir de 11 ans, qui, guitare à la main, sillonne l’Amérique en se faisant passer pour le chanteur folk Woody Guthrie (la première référence musicale de Dylan) ; Robbie, la star new yorkaise de cinéma et sa relation tumultueuse avec Claire (Charlotte Gainsbourg) ; John, le musicien folk reconverti en « Born Again » et Billy the Kid (Richard Gere), le hors-la-loi vivant reclus comme l’artiste.

Cate Blanchett incarne le Dylan sulfureux des années 60

Enfin, Dylan se mue en rock star sous les traits d’une Cate Blanchett transfigurée, le regard masqué derrière des Wayfarer opaques, les jambes gainées de noir, enchaînant cachets d’amphétamine et cigarettes. La comédienne, (prix de la meilleure actrice à Venise), incarne le coté androgyne et provocateur de Dylan qui, en 1965, traité de « Judas » par une foule hostile à Manchester, demande à son groupe : « play fuckin’ loud » (« jouez encore plus fort »).

I’m not There est le seul film sur sa vie auquel Bob Dylan a donné son accord. Car Todd Haynes évite soigneusement les clichés dans un film qui se concentre sur l’univers artistique du chanteur. L’atmosphère des sixties fourmille de références au cinéma italien de Fellini, au Western, au Pop-Art. Tout l’imaginaire de Dylan est dans ce film sans complaisance.

A voir absolument ne serait-ce que pour l’époustouflante prestation de Cate Blanchett qui, pour le film, avoue avoir « beaucoup fumé, écouté tout ce qui me passait par les oreilles, sanglé ma poitrine et plongé dans la lumière ».

I’m not There de Todd Haynes, 2h20, sortie en salle le 5 décembre.