Que s’est-il passé avant. A partir d’une photo, imaginer la chaîne d’événements ayant conduit à cette situation. Cycle : un violon flotte à côté de la tête d’un nageur.
Au commencement était le verbe. En fait ce n’est pas tout à fait exact. Au commencement fut un mi. Ou un E. Ou une vibration à quelques milliers de Hertz. Appelez-ça comme vous voulez. Et si vous vous demandez comment je le sais, c’est facile, j’étais là. Au moment même ou l’éther autour de moi s’est agité, je me suis éveillé. Tout était encore noir. Sans forme. Sans consistance. Sans vie. Mais déjà plein d’une infinité de possibles.
En fait quand je dis vide, c’est que je n’étais pas encore bien réveillé. Tout à coup j’ai ressenti sa présence. Chaleureuse et puissante et rassurante et paternelle. Il m’a dit : “toi et moi, nous allons faire de grandes choses”. Enfin “dit”, pas vraiment. Pensé plutôt. Je ne sais pas trop comment ça marche, mais il lui suffit de poser ses mains sur mon cou et je le comprends aussitôt. Après cette brève introduction, nous nous sommes mis au travail.
Ses mains se sont agitées. L’archet a vireveloté dans l’éther, frottant et refrottant mes cordes, inlassablement. Pendant une seconde, des heures ou une éternité, nous avons créé les étoiles, les planètes, les comètes, les rivières et les montagnes, les volcans et les océans. Après cet effort, j’étais épuisé. Vidé. Alors je lui ai suggéré de m’aider un peu, en fredonnant pour accélérer tout ça. On a fait une tentative ensemble : ce n’était pas vraiment une bonne idée. En fait, Dieu chante faux. Oui je sais, à moi aussi ça m’a fait un choc. Mais il lui a suffit d’ouvrir la bouche pour détuire toute une partie de notre laborieux ouvrage. Des étoiles ont implosé, des océans se sont fendus, des pulsars, des quasars et des trous noirs voraces se sont mis à tout dévorer autour d’eux. Il s’est excusé, bien embêté. Il a promis de ne plus jamais recommencer. Sage décision.
On s’est remis à la tâche. Le plus dur nous attendait : mettre un peu de vie dans tout ça. Mais on s’est surpassé. Des accords majeurs, des mineurs, des quintes et des tierces, tout y est passé. On a préféré commencer petit. Avec des choses simples. Quelques végétaux, quelques bactéries. Et on a attendu.
Sur certaines planètes, la chansonnette divine a dû faire trop de dégats. Elles sont vite devenues sèches et vides. Sur d’autres par contre, l’évolution a suivi son cours. Partout les insectes ont pris le pouvoir sur les autres espèces. Plus résistants, mieux adaptés, ils ont proliféré. Partout, sauf sur une minuscule planète située dans un bras éloigné de la Voie lactée. Je ne sais pas trop pourquoi ni comment, mais les mammifères ont réussi à survivre. Et certains sont devenus intelligents. Dangereusement. Tellement qu’on a commencé à se disputer avec Dieu. Il était partisan de ne pas intervenir. De laisser les choses suivrent leur cours. Je l’ai supplié de faire quelque chose. Même de chanter. Avant qu’il ne soit trop tard. Il s’est faché tout rouge. Il m’a attrapé et m’a lancé. De toutes forces. J’ai plané. Pendant une éternité, j’ai traversé l’espace. Les galaxies. Et tout à coup j’ai heurté quelque chose. Puis plus rien.
Je viens de me réveiller. Dans un endroit froid et mouillé. Quelqu’un me regarde, l’air surpris.
Hey Josette, regarde ce que je viens de trouver ! Un violon !
Tu crois qu’il vaut cher ? Ramène-le. Si on le fait sécher, on devrait pouvoir le vendre aux puces demain.