Chaque année, au mois de juin, les habitants de la Cité des deux tours accomplissent le même rituel. Les yeux levés vers les cieux, ils attendent le passage de Kool, le dieu volant de la concorde entre les peuples. Pour le remercier de sa bienveillance. Des siècles auparavant, Kool avait mis fin à la guerre des mikados entre les pâtissiers de la tour sud et les gloutons de la tour ouest en faisant pleuvoir de la farine et du chocolat. Depuis, la région n’a plus connu de conflits. Et, tous les ans, la ville rend hommage à sa divinité protectrice. La coutume veut que le couple le plus fraîchement marié à l’intérieur des remparts offre deux mikados géants à Kool lors de son survol de la Cité des deux tours. Pour se faire, les jeunes mariés, doivent rester en équilibre sur un fil tendu entre la tour sud et la tour ouest, tout en maintenant parallèles les deux offrandes. L’attente peut durer plusieurs jours. Kool a du mal à se rappeler les dates. C’est là son seul défaut.
Dès le premier du mois, la foule se masse sur la place du Fil. Chaque meurtrière, chaque créneau accueille un spectateur. Le temps s’arrête. Les jours chômés se prolongent jusqu’au passage de la divinité. « Les fidèles travaillent dur jusqu’au mois de juin. La fête religieuse du Mikado Day marque ensuite les premières vacances de l’année. Cette période de repos est l’occasion de se remémorer notre histoire, nos erreurs passées et de rendre grâce à Kool. Le choix d’envoyer sur le fil un jeune couple représente une célébration de la fertilité et de l’abondance » explique Jésus Grandebouche, le doyen de la faculté de théologie.
Cette année, les heureux élus sont Bernard et Jeanine Tépacap. « Nous sommes très fiers de participer à ce grand moment de la vie de la Cité. Si aucun de nous deux tombe, on s’en souviendra toute notre vie. Espérons simplement qu’il ne pleuve pas » déclaraient-ils au pied du donjon. Crainte légitime tant rester plusieurs jours à 40 mètres de hauteur, un mikado géant dans les mains, ressemble une mission impossible. Mais, Kool veille sur ses fidèles. En 399 cérémonies, aucune chute n’est à déplorer, aucun lâcher de mikado n’est venu bouleverser le rituel. Pour, Alphonse Cacrainpa, entraîneur-goûteur depuis 19 ans, rien de plus normal : « La pâte de ces divins mikados géants est très légère grâce au savoir-faire de nos artisans. L’odeur du chocolat éloigne les bourrasques de vent et l’énergie mystique de Kool fait le reste. » L’an prochain, pour les 400 ans du culte, ce seront autant de couples qui évolueront sur le fil du rasoir. « Une conception de descendance en altitude est également prévue pour cette date historique » s’enthousiasme Gérard Manvusa, le bourgmestre de la Cité des deux tours. En attendant, Jeanine et Bernard entament leur étrange manège.