Une fraise, ce n’est pas que rouge, sucré et juteux. C’est aussi caustique, socialiste et pas triste. Avec le blog Fraise des bois, me voilà ! Philippe Thomas, militant PS des Deux-Sèvres, prend le parti de l’ouvrir. Et joue le rôle de poil à gratter de sa section et de François Hollande.
« Est-ce que je suis dans la section la plus nulle de France ? » C’est la question que s’est posée Philippe Thomas, 44 ans, membre de la section socialiste de Niort, plus connu sur la toile sous le nom de fraise. Avec Fraise des bois, me voilà !, il signe un blog en forme d’injonction au leader de la rue de Solferino, François Hollande. « Laurent Fabius l’avait comparé à une fraise des bois », rappelle avec malice le bloggeur.
Un bloggeur de la dernière heure. Car Philippe Thomas n’a pas la vague d’Internet dans les veines. C’est en découvrant le blog de Corinne Lesnes, correspondante du Monde à Washington, que lui vient l’idée de créer le sien. Nous sommes en octobre 2004 et Philippe Thomas vient d’adhérer au parti socialiste six mois plus tôt. Juste le temps d’être déçu. « J’ai découvert une section qui ronronnait. C’était toujours les mêmes qui prenaient la parole, les vieux de la veille, les élus. Tout semblait joué à l’avance », déplore fraise.
Par le blog, il décide - d’abord anonymement - de prendre la parole. Il utilise le web comme un espace public, une agora virtuelle. Son premier message a d’ailleurs pour titre « de la prise de parole au PS. »
Premier ministre du blogouvernement
Presque quotidiennement, ce journaliste au chômage livre ses pensées et impressions sur sa section, le PS, la vie politique, le tout avec ironie, sérieux et détachement. Et humour bien sûr. Car Philippe Thomas a le titre de Premier ministre du Blogouvernement de la Blogosphère. Capitale : Montcuq. Il s’agit d’une concentration d’animateurs de Blogs, principalement hébergés sur le site www.lemonde.fr. Rappelons que Montcuq est un charmant trou perdu du Lot.
Le blog de ce proche du courant nouveau parti socialiste (NPS) n’a pas tardé à susciter des réactions. D’abord localement. « Tous les militants des courants minoritaires m’en ont parlé ou m’ont félicité. » Mais pas ceux de la majorité hollandiste. Le contraire aurait été surprenant : Philippe Thomas a nommé son secrétaire de section « Planplan. »
En revanche, fraise n’aurait jamais cru pouvoir toucher la vraie fraise des bois, François Hollande. C’est pourtant le cas, quand en novembre dernier il est invité dans l’émission de Christine Ockrent France Europe Express, sur France 3. Là, il peut s’adresser en personne à François Hollande. « Avec le nom du blog je l’interpellais, mais sans vraiment y croire. C’était inespéré. » Avant cette incursion télévisé, une chronique sur France-Inter dans blogue à part et une dépêche de Reuters l’avait déjà mis sous le feu des projecteurs.
Ce petit poil à gratter du PS a saisi la liberté que lui donne le net. « Ça emmerde la hiérarchie des partis », s’enorgueillit-il. « Je sais qu’ils n’ont pas aimé rue de Solferino. Habituellement, les chefs sont relativement coupés de la base. Les préoccupations des militants sont toujours filtrées. Or ici, ils ne peuvent plus tout contrôler. » C’est pour cette raison que Philippe Thomas croit en la cyber citoyenneté. « Ce n’est pas un mythe. C’est vrai », estime-t-il. Dans ce monde virtuel, il « se sent moins seul. » « Ça comble un vide. Il existe un gouffre entre le microcosme politico-médiatique et le terrain. Les blogs permettent à ces deux mondes de se rejoindre. » Et à Philippe Thomas de s’exprimer, librement.