Oui bonjour. Excusez-moi de vous déranger. Voilà, je me permets de vous appeler parce qu’il y a une cabine téléphonique autour de moi et de mon éléphant. Et bien je ne sais pas ce qui s’est passé. Je me promenais tranquillement le long de la Tamise avec mon éléphant, et une grosse bourasque de vent a projeté une cabine téléphonique sur nous. C’est ça, là je suis dedans, avec lui.
L’éléphant et moi ? On s’est rencontré dans une tente de cirque. A la fin du spectacle, j’étais dans les gradins. Mon téléphone a sonné, et la personne au bout du fil m’a posé une question. Est-ce que je préfère vivre toute ma vie avec un éléphant qui me suit partout où je vais, ou bien vivre pour toujours avec des ongles de deux mètres de long. Alors j’ai préféré prendre l’éléphant. Il s’est frotté contre moi avec sa trompe et il ne m’a plus lâché.
Depuis, il me suit partout. Ah oui, ça c’est sûr, c’est pas facile tous les jours. Il me suit vraiment partout. Et tout le temps. Quand je vais au cinéma, il est là. Au restaurant, il est là aussi. Sous la douche, il est toujours là. Ah, ben dans la vie faut faire des choix. Vous vous imaginez, vous, avec des ongles de deux mètres ? Pour faire la cuisine, pour taper à l’ordinateur, ou pour me gratter tiens. Impossible. Et puis dans l’intimité. Je n’aurais pas arrêté de blesser ma femme. Non, l’éléphant ça ne la gêne pas plus que ça. Elle aime bien quand des gens nous regardent, alors l’éléphant dans la chambre, finalement ça lui plaît. Ça fait à peu près deux ans qu’on vit avec. J’ai toujours aimé les animaux donc ça va, c’est supportable.
Mais avant, c’était pire. Ah oui, j’ai eu le choix entre avoir des yeux en bois, ou une plante qui me pousse sur la tête. Oui, ben j’ai choisi la plante. C’est pour ça que je porte toujours ce vieux chapeau ridicule, pour essayer de freiner sa croissance. C’est un géranium. C’est pas facile non plus au quotidien, enfin surtout pour lui, le géranium. Parfois j’ai l’impression qu’il a des envies de suicide. Depuis le temps qu’il est là haut, le pauvre. Et bien ça va faire quatre ans. Enfin, c’était toujours moins pire que les yeux en bois. ça, c’était juste impossible.
Mais bon je m’égare là, je vous raconte ma vie. Ça ne vous intéresse pas. Donc revenons à notre problème. Si je me permets de vous solliciter, c’est pour que vous me veniez en aide. Parce que là, on est coincé dans la cabine. Mon éléphant et moi. Alors il a, comme qui dirait, les fesses à l’air. Son postérieur est à l’extérieur de la cabine. Et sa tête à l’intérieur. Ce qui est un peu embarassant, mais sans doute moins que l’inverse, ça je vous l’accorde. Donc, oui, il faudrait nous désincarcérer.
Ah, vous ne pouvez pas. Alors qu’est-ce que vous me proposez ? De vivre toute ma vie avec une cabine téléphonique autour de moi ou bien de passer le reste de ma vie sans genoux et sans coude. Et bien au moins j’ai le choix. Bien, je vais choisir la cabine téléphonique dans ce cas.