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Exposition

La Nature rêvée de Ferdinand Hodler contre le chaos du monde

par Gaël Vaillant [29ème promotion].
Article publié le lundi 10 décembre 2007.
 
Ferdinand Hodler est redécouvert par le Musée d’Orsay. Une grande exposition présente tous les aspects d’une oeuvre, tombée dans l’oubli depuis la première guerre mondiale. Du symbolisme aux portraits, le peintre suisse est réhabilité parmi les plus grands peintres du siècle.


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Autoportrait (1891)
© Musée d’Art et d’Histoire de Genève/ photo Bettina Jacquot-Descombes

En mai 1918, Ferdinand Hodler n’arrive plus à se rendre sur les rives du lac Léman. A la fenêtre de sa chambre, il peint ses dernières toiles, des vues des rues de Genève, attendant que son oedème pulmonaire mette fin à sa vie. Il semble avoir tout perdu : son être aimé - sa maîtresse Valentine Godé-Darel morte en 1915 - et l’équilibre de son monde - l’Europe est en pleine première guerre mondiale. Au crépuscule de sa vie, sa gloire et son oeuvre sont oubliées. Il faut attendre l’exposition du Musée d’Orsay, qui a lieu en ce moment, pour découvrir la production de l’un des plus grands peintres suisses.

La peinture symboliste du Suisse Ferdinand Hodler est pourtant célébrée dans l’Europe entière au début du XXème siècle. Le peintre symboliste ne cherche pas à peindre la Nature de manière fidèle, contrairement au naturaliste. Il est à la quête d’une sensation, qui évoque un monde idéal et privilégie l’expression des états d’âmes. Grâce aux symboles, il parvient à peindre la sensibilité de l’objet, et non l’objet tel qu’on le voit.

Deux décennies de gloire

En 1891, cinq ans après la première définition du symbolisme donnée par Jean Moréas, Ferdinand Hodler débarque à Paris pour présenter La Nuit, qu’il définit comme « sa première oeuvre ». Le Suisse s’y représente allongé et nu, au centre de la toile, attaqué par un spectre drapé de noir. La mort. L’artiste avait déjà exploré ce thème, dans sa jeunesse, en peignant un vieux charpentier devant le cercueil qu’il vient de construire. Puvis de Chavannes, maître révéré par le jeune Hodler, remarque La Nuit au Salon du Champ de Mars. Aussitôt, le peintre sort de l’inconnu et côtoie la gloire. S’ensuivent deux décennies (1890-1910) très prolifiques. Il s’impose comme une figure essentielle du symbolisme, en Belgique, en France ou en Allemagne.

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La Nuit (1889-1890)
© Kunstmuseum, Bern

A travers sa production abondante - plus de 600 oeuvres en une vie, Ferdinand Hodler applique le précepte de Gauguin : « le droit de tout oser ». Deux exemples suffisent à s’en convaincre. Sa représentation idéale de L’amour (1907) est un couple qui s’étreint avec force. Le scandale dépasse les frontières de la Suisse, où le tableau est exposé en 1909. Le musée de Zurich décide même de faire garder la toile. Avec Las de vivre (1882), il choque à nouveau. Il symbolise l’essoufflement de la vie, à travers cinq vieillards. Ces représentations de la vieillesse sont en tous points identiques. Seuls leurs visages, paradoxalement réalistes, diffèrent. Un seul coup d’oeil sur ce tableau suffit pour en saisir le sens. Pourtant, les visiteurs de l’exposition du Musée d’Orsay s’attardent volontiers sur Las de vivre, contemplant la beauté des robes blanches des vieillards, la diversité de leurs visages.

Une icône suisse

Son pays natal adoube l’artiste audacieux dès les années 1890. Non seulement il devient LE symboliste suisse, mais il se transforme en défenseur de la civilisation helvétique. A travers les nombreux décors muraux commandés par les cantons, Ferdinand Hodler réhabilite des évènements de l’histoire suisse, comme la Bataille de Morat. Une reconnaissance nationale qui perdure au XXème siècle. Par exemple, son tableau du Bûcheron a été l’effigie des billets de monnaie.

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Le Bûcheron (1910)
© Patrice Schmidt, Paris, musée d’Orsay

Cet engouement n’a pas empêché les peintures de paysage de Ferdinand Hodler de tomber dans l’oubli. C’est seulement en 2005 qu’une exposition (au Musée Rath de Genève) présente ces oeuvres oubliées. Les paysages du Suisse s’inscrivent dans une longue réflexion, qu’il amorce dans sa jeunesse, sur la Nature. Il a une peur chronique de la transformation trop rapide du monde. Ferdinand Hodler a un avis très critique sur l’évolution de l’Europe : la première guerre mondiale est pour lui l’aboutissement logique de l’industrialisation et l’urbanisation à outrance. Il dénonce ces phénomènes dans ses peintures symbolistes. Avec ses peintures de paysages, il propose une alternative : revenir aux sources de la Nature. En effet, le peintre considère que la Nature est ordonnée de fait.

Longtemps avant la défense de l’environnement, Ferdinand Hodler sublime une Nature pour mieux nous montrer sa perfection et son immortalité. L’homme, imparfait, est condamné à la mort. A la fin de sa vie, Ferdinand Hodler parvient à l’aboutissement de sa peinture de paysage. Les deux femmes qu’il a aimé sont mortes (dans les souffrances des maladies), son Europe tant chérie est en train de s’autodétruire dans la guerre mondiale de 1914-1918, lui-même se meurt à petits feux. Mais il oppose à cette série de malheurs une Nature idéalisée. Un monde rêvé parfait, loin des peintures symbolistes et pessimistes qui avaient fait son succès.

Exposition Ferdinand Hodler, au Musée d’Orsay (station RER C Musée d’Orsay), jusqu’au 3 février 2008. Tarif étudiant pour l’exposition et l’intégralité du musée : 5,50 €.

Site officiel de l’exposition


-  Trois questions à Christian Monjou :

Hodler, témoin de la déglingue du monde

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L’Eiger, le Mönch et la Jungfrau au clair de lune (1908)
© Institut suisse pour l’étude de l’art, Zurich

Peut-on considérer Ferdinand Hodler comme un témoin de l’état du monde ?

Christian Monjou. Par ses tableaux symbolistes, Ferdinand Hodler se fait témoin de la déglingue du monde sous la double pression de l’industrie et de l’urbanisme. Ses tableaux « historiques » notamment, comme Le Bûcheron, lui permettent de dénoncer ces phénomènes. Il a lutté par sa peinture contre les dérives techniques et sociales de son monde. Il s’est investi en 1914 dans une pétition contre le bombardement, par les Allemands, de la cathédrale de Reims. Il est le témoin traumatisé de la première guerre mondiale. Le conflit est pour lui la conséquence logique des dérives industrielles de l’Europe.

L’exposition du Musée d’Orsay met en valeur la peinture de paysage d’Hodler. Quelle place avait-elle dans l’oeuvre de l’artiste ?

C’est un des plus grands peintres de paysage contemporain. C’est aussi un des plus productifs : il a peint plus de 300 paysages. Sa peinture de paysage est une lente réflexion débutée à Bern, dans sa jeunesse. Le paysage joue un rôle obsessionnel dans sa pensée. Tout au long de sa vie, il a eu besoin de peindre régulièrement les lacs et montagnes de sa Suisse natale. Pour lui, le paysage est un moyen d’exorciser sa peur du chaos et de la destruction. Il idéalise la Nature ordonnée : il révèle l’ordre caché du monde, tel qu’il était avant l’Homme. Il sacralise la Nature.

Pourquoi s’est-il obstiné à peindre des paysages à la fin de sa vie ?

En 1914-15, il peint sa seconde femme (NDLR : Valentine Godé-Darel) atteinte d’un cancer, qui se meurt à petits feux. Dans ces tableaux tragiques, il fait le constat lucide de la mort, mais évite « le poisseux de la souffrance » (Roland Barthes). Alors que sa femme se meurt, il voit mourir l’Europe, avec le début de la première guerre mondiale. Une fois son amour perdu, il opère un retour total au paysage. A travers ses derniers tableaux, représentant le Lac Léman vu de sa chambre, il oppose à l’Europe en cours de destruction, un nouveau monde, rêvé, sublimé : la Nature, ordonnée et belle.


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