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Ve arrondissement

Les sept vies de Tibéri

par Cyril Frémin [29ème promotion].
Article publié le vendredi 7 décembre 2007.
 
1968-2008. Après quarante ans de bons et "loyaux" services, Jean Tibéri, 73 ans, repart à la bataille pour conserver son arrondissement à Paris, le Vème. Comment expliquer une telle longévité. La brillance ? Sa grande carrière nationale - tout est relatif - permet d’en douter. La malice ? Il n’en manque pas et a toujours su s’entourer ou s’attirer à lui les bonnes personnes...

Jean Tibéri est né en 1935, dans le Vème arrondissement de Paris, justement. Après des études de droit, il devient magistrat et part à Metz, Meaux, Beauvais dans les années 60. Mais son arrondissement lui manque.
L’homme de droite va retrouver sa terre natale grâce à René Capitant. Député depuis 1945, c’est un héros de la Résistance, créateur du mouvement Combat à Clermont-Ferrand. Il fonde aussi en 1946 l’Union gaulliste, les gaullistes de gauche. Pas vraiment la tasse de thé de Tibéri, mais Capitant est élu dans son arrondissement. Pour le reconquérir, il n’a pas le choix. Il est suppléant du résistant vieillissant pour les législatives de 1967. Puis, il prend les rênes de la circonscription quand Capitant part au Gouvernement en 1968. Un an plus tard, les choses bougent en France. En 1969, De Gaulle démissionne. Capitant fait de même. Tibéri aussi ? Non. Pour lui, il est temps de s’émanciper.
De retour dans le Vème, il se rapproche des gaullistes de droite. Jacques Chirac et lui vont devenir inséparables dans les années 70. A cette époque, le Corrézien gravit les marches ministérielles quatre à quatre. De 1970 à 1974, il passe de ministre de l’Agriculture à Premier ministre, en passant par le ministère de l’Intérieur. Mais Matignon est une prison dorée. C’est Valéry Giscard D’Estaing qui gère la politique du pays. Le 12 janvier 1976, Jacques Chirac démissionne. Mais, avant de quitter le gouvernement, il prend le temps d’y placer son espion. Il offre à Tibéri l’opportunité d’entrer au gouvernement par la grande porte : le secrétariat d’État auprès du ministre de l’Agriculture et auprès du ministre de l’Industrie et de la Recherche chargée des industries alimentaires. Une telle offre de responsabilités les lie pour un bon moment.
Jacques Chirac a besoin d’une vitrine pour ne pas rester dans l’ombre. Il décide de conquérir Paris en 1977. Jean Tibéri sera pour lui un allié précieux. Il connaît tout de la capitale. Chirac est élu et devient ainsi le leader de l’opposition à la majorité dans la majorité. C’est ce qui fera perdre la Présidentielle de 1981 à « VGE ». Dès lors, Jean Tibéri devient adjoint de Chirac, et est élu maire du Vème arrondissement en 1983. Après Capitant, c’est Chirac qui le fait pousser.

"Mon époux doit être béatifié"


De 1983 à 1995, « Jeannot lapin », surnommé ainsi pour ses dents du bonheur, gère tranquillement son arrondissement. Ce dernier est l’un des moins endettés de Paris.
En 1995, c’est l’apogée de sa carrière. La tornade Chirac quitte les astres parisiens pour les cieux nationaux. Qui de mieux pour le remplacer que Jean Tibéri ? Un saint dans les astres. C’est ainsi que sa femme Xavière l’appelle. Sur le plateau d’une émission de TF1 en 1999, elle déclare : « Mon époux doit être béatifié ». Xavière est un rouage essentiel du système Tibéri : c’est elle qui organise repas et réunions. Et elle qui fait et défait les alliances.
Mais la concurrence est rude pour la succession. Deux challengers lui font face. Jacques Toubon tout d’abord. Ministre de la Culture de 1993 à 1995, il est également adjoint au maire de Paris dans le XIIIème depuis 1983. Il est l’un des seuls restés fidèles à Chirac pour la Présidentielle de 1995. Mais son sens de la politique déroute. Au ministère de la Culture, il a du mal à faire passer ses idées. Qui se souvient de sa loi sur la francisation des expressions ? Les "vacancelles" devaient remplacer le "week-end"...

L’autre ennemi, c’est Jacques Dominati, premier élu du IIIème arrondissement. Une enquête pour fraude à l’élection le poursuit depuis 1989. Il est préférable de mettre à sa place Jean Tibéri. Dominati est sans doute le plus à même de diriger la Capitale, le plus compétent. Alors il restera pendant sept ans le fidèle bras droit du maire.
C’est à partir de cette nomination que les ennuis vont commencer pour Jean Tibéri. Lui aussi est rattrapé par une affaire de faux électeurs dans le Vème à partir de 1997. Il aurait fait voter des morts. Les morts sont de droite car il gagne l’élection, de justesse, devant la candidate PS, Lyne Cohen-Solal. « Ces poursuites sont stupéfiantes car il n’y a pas dans le dossier le commencement du début d’une preuve matérielle à mon égard », déclare-t-il.
Il est également mis en cause dans l’affaire des HLM de Paris, en temps que président de l’Office public d’aménagement et de construction (OPAC). Pour cette dernière affaire, il est relaxé. L’instruction est toujours en cours pour celle des faux électeurs.

En 1998, Jacques Toubon veut refaire surface. Il a perdu aux législatives l’année précédente. Il tente de mettre le maire en minorité au Conseil de Paris, mais il échoue. Depuis, il survit politiquement grâce à un poste de député européen.

La fin de mandature se traîne. En 1997, une socialiste, Lyne Cohen-Solal, tente de se mettre en travers de la route de Jean Tibéri. Cette année là, elle le met en ballottage. Mais son franc-parler va la desservir : elle passe pour une colérique. Devant les caméras de télévision, en 2001 : « De toute façon, Tibéri est le maire d’un arrondissement de merde. » Mais, pour la première fois depuis longtemps, Tibéri est en difficulté dans son fief. Et quand le Vème s’enrhume, Paris prend froid.
Pour la droite parisienne, c’est la cacophonie. Jean Tibéri n’est pas choisi par le RPR pour mener la bataille de Paris : les cieux élyséens parachutent Philippe Séguin. Bien vite, les électeurs s’aperçoivent que ce dernier veut se servir de Paris comme d’un tremplin. Il s’imagine un destin à la Chirac : maire de Paris puis Président. Il se rate. Et envoie Bertrand Delanöe à l’Hôtel de ville, à la grande joie de Tibéri, qui préfère voir à la tête de la ville un adversaire plutôt qu’un ennemi.

La pintade contre le nain


D’autres convoitent ce poste, comme Édouard Balladur ou Françoise de Panafieu. Cette dernière aussi a besoin de s’affranchir. Elle est adjointe au maire de Paris depuis 1983. Lors d’une conférence de presse, quelques mois avant les élections de 2001, elle lance devant un Tibéri médusé qu’elle souhaite se présenter. C’est la rupture entre les deux. Et comme avec Lyne Cohen-Solal, les joutes verbales sont d’une extrême délicatesse. Quelques mois après son émancipation, elle l’appelle « le nain de jardin ». Un proche de Tibéri en guise de représailles, la surnomme « la pintade à roulettes », pour son arrivée fracassante devant l’Assemblée nationale en roller.

Privé de Capitale, Jean Tibéri n’en garde pas moins son arrondissement. Les Grands Hommes veillent sur lui. Lors du premier tour en 2001, il passe les 40%. Pour la municipale de 2008, il veut retrouver son poste de premier magistrat de la ville. Il se présente face à Françoise de Panafieu, Pierre Lellouche et Claude Goasgen, plein d’ambition. Mais l’ambition est le dernier refuge de l’échec. Il finit dernier de cette course. Il réussit tout de même à garder son poste de député en 2007. Pour la tête de liste dans le Vème, Panafieu ne veut plus de lui. Ils se détestent, elle ne veut pas travailler avec lui. Pourtant, après 40 ans passés à côté du Panthéon, Tibéri n’est plus le maire de l’arrondissement mais son empereur. Il conduira encore la tête de liste. « C’est lui qui dicte les lois dans le Vème, analyse Patrice Biancone, éditorialiste sur RFI. Il dirige cet arrondissement à la Corse. »

C’est le dernier privilège de l’empereur. Au fond, qui est vraiment Jean Tibéri ? Un personnage hautain mais très populaire dans son arrondissement. Un homme sans doute un peu grisé, aussi, par le laissez-passer que Chirac lui a donné en lui offrant les clés de l’Hôtel de ville. Un homme, enfin, qui pourrait tout perdre s’il n’est pas réélu en mars 2008 dans sa mairie du Vème.


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