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Portrait

Anggy Haïf, un défilé de talents

par Claire Pain [29ème promotion].
Article publié le lundi 3 décembre 2007.
 
Styliste, chanteur, mannequin... ce Camerounais aux multiples facettes a réussi à coudre ensemble les pans de sa créativité pour se tailler un costume sur mesure.

Anggy Haïf a plusieurs patrons. Des patrons de papier qu’il accroche sur son étagère. Pour cette robe de raphia à carreaux écossais rouges et verts, deux jours ont suffi au styliste-modéliste camerounais de 33 ans pour la confectionner. « Le plus dur pour une robe c’est la penser, la dessiner, analyser les matières et les tons. Après c’est très facile », confie de son vrai nom Guy-François Angana, tout en ajustant une boule à épingles sur la manche gauche de son polo rayé.

crédit photo : Claire Pain (JPG)

L’atelier d’Anggy, qui est aussi son appartement, ressemble à une loge de mannequin après trente-six essayages. Dans les 40 m², la machine à coudre ne se fait pas remarquer parmi les courses alimentaires. Le lit fait plus office d’armoire que de lit. Des vêtements, des accessoires, des pompons de toutes les couleurs, des calebasses, du raphia, des plumes. Partout. « Je me rappelle ma mère qui disait : “Mais on n’a même plus de place pour marcher !” », rigole Anggy. En chaussettes, il s’accroupit et laisse ses ciseaux grignoter une pièce de raphia beige. Des petits morceaux giclent. Le jeune créateur déroule le ruban des jours à venir.
Demain, il part présenter sa nouvelle collection au Niger. Plus que quelques heures pour apporter les dernières finitions, préparer ses affaires. Mais Anggy reste zen. « Je commencerai les valises à minuit, pas avant. Je travaillerai toute la nuit. J’aurai tout le temps de dormir dans l’avion. » Anggy n’arrête pas de dire « c’est un truc de ouf ! » car il est très content de retourner au Niger, ce pays qui lui a décerné voilà deux ans le Cheich d’Or au Festival international de mode africaine et qui l’a consacré vainqueur du concours des jeunes créateurs de l’Association française d’action artistique. Pudique, il ne fait qu’effleurer « la pression d’être attendu après avoir été récompensé ». Il préfère se concentrer sur la dernière calebasse à fixer sur la robe longue.

Une vie pleine de doublures

Anggy a une vie taillée sur mesure, une vie pleine de doublures. Pourtant tout n’était pas cousu de fil blanc. « Je suis venu à la mode par hasard. Chanteur à la base, je viens d’un milieu très modeste. Maintenant, je ne veux pas choisir entre la musique et la mode. J’ai trouvé le bon compromis : j’accompagne mes défilés de ma propre musique. » Anggy est aussi mannequin. Son torse sculpté en forme de V ne doit rien à la musculation. « Je suis trop paresseux pour ça ! Mais en Afrique on danse des heures et puis, c’est comme ça, je grossis pas. 64 kilos pour 1m72, c’est pas assez aux yeux de ma famille africaine. »
Dernier de six enfants, Anggy a hérité du talent de couturière et de chanteuse de sa mère. Caressant ses tresses de ses longues mains fines, le chanteur-styliste fait défiler la bobine de ses souvenirs. « Après la mort de mon père quand j’avais 8-10 ans - je ne sais plus exactement - ma mère s’est pas mal débrouillée. Elle vendait des croquettes, des biscuits et nous, les enfants, on était toujours en train de grignoter partout ! » Anggy a gardé de la cuisine africaine le goût de l’huile : « J’ai du mal à manger quand il n’y en a pas. Il faut toujours que j’en rajoute, que je me cuisine des trucs frits ». Anggy aime comparer les cultures : « En Afrique, avec la nourriture, on n’a pas d’esprit de contrôle comme ici. Quand je regarde la pub et que ça dit “mangez trois trucs comme-ci par jour”, ça me fait marrer. Tu vas dire ça à quel enfant en Afrique ? Là-bas les enfants mangent tout ce qui passe, n’importe comment. » Des enfants, Anggy n’en a pas pour le moment. Il dit qu’il considère ses nièces comme ses filles, qu’il leur envoie de l’argent au Cameroun et leur demande en échange d’être sérieuses, d’aller à l’école, de ne pas courir après les garçons. « Seul le travail paie » : c’est la maxime qu’il brode à la fin de son discours de bon tonton. Anggy reconnaît : « J’ai trimé pour arriver où je suis ». Et épingle au passage les grands de la haute couture qui ont osé dire « C’est qui lui ? Il sort d’où ? ». Ces Grands de la Mode au mépris aussi transperçant que des aiguilles savent-ils que le créateur africain estime qu’il y a assez de tissu pour tout le monde ? « Quand toi tu vois en eux des modèles de travail, eux voient en toi un concurrent », décrypte Anggy qui n’ose pas donner de noms. Aujourd’hui, des modèles, Anggy n’en possède plus que de deux sortes : des culturels - l’Europe, l’Afrique - et ses top-modèles à lui, ces filles qui ont toujours cru en son talent, sur qui il peut compter même en pleine nuit pour un essayage.

crédit photo : Claire Pain (JPG)

Matières naturelles

La "griffe" d’Anggy, c’est l’utilisation de matières naturelles : raphia, racines, lianes, feuillages, toiles de palmier... « C’est un retour aux sources : les matières naturelles étaient travaillées par nos ancêtres quand le feuillage et les écorces d’arbres servaient de vêtements. Elles sont recyclables, ce qui est important à notre époque, et elles rapprochent l’homme de la nature », explique Anggy en cousant de gros points de raphia vert sur un bustier beige. Puis il ajuste la collerette, fait pivoter le mannequin de mousse et s’exclame, satisfait : « Et voilà ! ». Dans la valise, l’ouvrage ne risque-t-il pas d’être abîmé ? « Nooooooon, tu rigoles, le raphia ça se redresse avec un fer à vapeur. Et puis j’ai une technique pour tout bien plier. » Décidément, rien ne démonte le styliste. Pause. Anggy se sert un verre de jus de fruits et parle de son soulagement : « J’ai enfin régularisé ma situation en France, ça faisait deux ans que j’attendais ça. Mon visa va me permettre de créer mon entreprise, de prendre un appartement plus grand avec une pièce pour recevoir et présenter mon travail. J’aimerais aussi exposer mes anciennes collections. J’ai déjà un projet avec un musée suisse pour février 2008. »
Depuis 8 ans, Anggy Haïf a reçu de nombreux prix. Toujours modeste, attentif aux autres et franc, Anggy a plus que des prix, il a des valeurs. C’est aussi pour ça qu’il a fondé en 2001 l’Acrem, une association pour venir en aide aux jeunes créateurs de mode qui manquent d’expérience, de conseils et d’argent pour lancer leurs premières collections. Anggy ne fait pas dans la dentelle, il tisse une étoffe solide entre lui et les autres. Toujours soucieux d’une certaine élégance.


-  Anggy chante aussi.


écouter un extrait d’une chanson africaine qu’il interprète



-  Dans la vidéo ci-dessous, Anggy Haïf explique son choix de travailler avec des matières naturelles :


Anggy Haïf
envoyé par clairepain84


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