Avec plusieurs librairies mangas, le 5ème à Paris est un des arrondissements préférés des "otaku", les fans de bandes dessinées et d’animés japonais. Leur quartier général y est désormais installé : le Mangacafé, une bibliothèque où il n’est pas interdit de boire du coca, ni de jouer aux jeux vidéo.
« Avec ce perso, tu peux combiner les touches bas, carré et triangle, et il se transformera en méga-monstre ! » Un lycéen et un étudiant plus âgé se disputent le meilleur score au dernier jeu de baston venu du Japon. Après avoir bourriné quelques minutes les boutons des manettes de jeu, le plus jeune crie victoire. Nicolas, le perdant, s’affale dans un canapé : « Je me fais trop vieux. T’es donc le meilleur du Mangacafé ! » Cet étudiant en master de droit est un habitué de ce lieu original, situé rue des Carmes, en plein cœur de Paris. « Lecture de mangas, jeux vidéos illimités, internet gratos et des boissons en prime : c’est le paradis des "otaku" ici ! »
Un concept exporté du Japon
Les "otaku" sont les fans de l’univers japonais des mangas. Dès les années 80, des endroits ont été conçus pour ces jeunes passionnés des univers issus de la bande dessinée et des jeux vidéo : les Kissa. Il s’agit de cafés-bibliothèques qui proposent de nombreux services (accès à internet, saunas personnels, boissons à volonté, etc).
Le Mangacafé, dans le 5ème arrondissement de Paris, est le premier Kissa en Europe. « La France est le deuxième marché de manga au monde avec dix millions d’exemplaires vendus » explique Ben Kordova, le jeune manager du lieu. Encore étudiant en Eco-Gestion à la Sorbonne, il a lancé sa boutique en juillet 2006. « J’ai dû "francisé" le concept du Kissa : j’ai tenté de créer un lieu convivial, où les fans de manga se rencontrent » commente-t-il. Assis dans des fauteuils rouges et blancs, les lecteurs peuvent discuter autour d’un café ou d’un coca. Envie de jouer ? Des jeux vidéo à deux joueurs sont disponibles dans des bornes d’arcade.
Dans une seconde salle, plusieurs bibliothèques accueillent les 8.000 mangas en libre lecture. Amine, 25 ans, génération « club Dorothée » et fan des premières heures du manga, dévore un grand classique : Dragon Ball Z. « Moi, je suis de l’ancienne école. Les nouveaux mangas sont mal scénarisés et il y a un rebondissement tous les cinq volumes » critique-t-il. Estelle, 12 ans, n’est pas de son avis. Enfoncée dans les coussins rouges d’une alcôve insonorisée, elle dévore toutes les nouveautés.
Deux publics différents, une même demande
Les premiers mois, le lieu avait du mal à se remplir. Mais le bouche-à-oreille a fait son œuvre, et le Mangacafé refuse même du monde le soir et le samedi après-midi. Les adolescents usent les manettes des consoles dès 15h. Le soir, les 20-30 ans squattent les fauteuils en cuir rouges et blancs. « Ces deux publics sont très différents, mais leur demande est la même : un lieu où ils peuvent partager leur passion pour un prix modeste », explique le jeune manager. Le prix forfaitaire (3 à 4 euros par heure) est plutôt attractif, mais à en croire le public, ce n’est pas le point fort du lieu.
« Pour la première fois, j’ai trouvé un endroit conçu pour moi, où je rencontre des gens comme moi » s’exclame Amine. Pour lui, les "otaku" sont « associables » car ils n’ont aucun lieu réel où partager leur passion : « Bien sûr, il existe des communautés virtuelles sur Internet. Mais boire un café ou jouer à la Playstation ensemble, ça permet de créer un vrai lien. » Cette convivialité entre générations est la vraie marque de fabrique du lieu. Alors qu’à Londres, s’installe le premier Mangacafé anglais, les "otaku" français ont trouvé leur repaire.
Mangacafé, 11 bis rue des Carmes, Paris 5ème. Du lundi au dimanche, 10h30-22h (14-22h les lundis et jeudis). 3€/heure creuse, 4€/heure pleine. Plusieurs forfaits possibles (24€/jour, 30€ pour 10 heures...)
En attendant de pouvoir jouer à la console, on dévore des mangas br>
Un petit café avant une après-midi de lecture br>
Jeux vidéo et ordinateurs cotoient les mangas