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La caricature politique a-t-elle encore quelque chose à dire ?

par Hervé Devavry [29ème promotion].
Article publié le samedi 10 novembre 2007.
 
Toujours plus convenue, la caricature politique a perdu de son impertinence d’antan. Pourtant, à quelques semaines de l’élection présidentielle, les caricaturistes Pessin, Ranson, Wilhem, Alex et Philippe Deslestre affirment s’en donner à cœur joie. A la pointe de leurs feutres ou de leurs crayons, ils sont à l’affût du petit détail qui fera sourire les lecteurs de leurs quotidiens attitrés.

A chaque campagne électorale ses candidats, ses programmes et ses dessins. Grandes oreilles, petite taille, sourire forcé, traits tirés ou rides marquées, la caricature se plaît à accentuer les défauts physiques des présidentiables. Mais s’il a gagné en visibilité, le dessin de presse est de plus en plus sage dans les quotidiens. Toujours plus convenue, la caricature politique a perdu de son impertinence d’antan. À la une des grands quotidiens, le regard décalé sur l’actualité prime désormais sur l’« humour bête et méchant » privilégié par les journaux satiriques.

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Dessin inédit de Ranson.

Alex, dessinateur indépendant qui publie dans le Courrier Picard, n’a qu’une contrainte : coller au plus près de l’actualité du lendemain. « C’est pour cela que je fais mon dessin le plus tard possible dans la journée », explique le caricaturiste trentenaire. Mais le dessin se frotte à d’autres difficultés. Pessin dénombre trois contraintes majeures : l’objectivité, l’originalité et la subtilité. Le dessinateur du Monde privilégie la finesse. « Y aller à gros traits ça ne m’intéresse pas, y compris sur le Front National. Ce n’est pas efficace, souligne-t-il. Il faut essayer de trouver le talon d’Achille et frapper là ». Mais l’idée doit elle aussi être singulière. Un trait de crayon différent ne suffit pas. Après 35 ans au Monde, Pessin avoue ne pas toujours savoir où se situer quant à la réalité de certains faits. « La télévision et la presse sont de véritables filtres qui nuisent à l’objectivité ». Même conception chez Alex, le dessinateur Ch’ti qui illustre quotidiennement le Courrier Picard. Il ne regarde pas les « Guignols de l’info », une façon de garder son indépendance d’esprit.

Des caricatures à foison

Comme la période électorale est propice à la caricature politique, les dessinateurs de presse s’en donnent à cœur joie. « Notre technique ne change pas, révèle Alex, mais c’est le rythme qui est plus soutenu ». « Le climat est “excité”, confirme Pessin. Il y a matière à dessiner. » Aucune parole, aucun geste, aucune frasque des prétendants ne sont négligés par les caricaturistes. « Les talonnettes de Sarkozy ou le tracteur de Bayrou sont incontournables et tellement simples à dessiner », confie Ranson qui officie au Parisien. Il n’en est pas de même pour les tailleurs de Ségolène Royal. La plupart le concèdent, dessiner une femme est loin d’être facile. Dubouillon, qui illustre le Progrès dimanche n’a pas encore pris l’habitude. « Par galanterie on hésite à l’enlaidir. C’est peut-être fasciste ou féministe mais il y a une différence », avoue, gêné, le dessinateur lyonnais.

Pour ne pas laisser transparaître leurs préférences, certains dessinateurs croquent tous les candidats. Alex met au défi ses lecteurs de découvrir ses opinions politiques. « Le but n’est pas d’être militant. Il n’est pas question de privilégier un candidat par rapport à un autre. » Mais selon le « croqueur » du Courrier picard, de nombreux hommes politiques sont demandeurs de caricatures. Leur présence sous les crayons des plus prestigieux dessinateurs est une forme de satisfaction personnelle. D’autres caricaturistes s’en réfèrent à l’actualité. « Nous ne sommes pas soumis aux règles du Conseil supérieur de l’audiovisuel, bien que notre force de travail soit aussi l’image », glisse ironiquement Ranson. Pessin est moins à l’aise. Il craint que ses opinions ne déteignent parfois sous la pointe de son feutre noir. Son remède : « garder un équilibre et ne pas toujours dessiner de la même manière ».

Une autocensure relative

La caricature de presse est toujours une manière différente de traiter l’actualité. Elle apporte du plaisir au lecteur, « une petite fraîcheur » selon Alex. « Il paraît que certains se lèvent à trois heures du matin pour aller chercher le Courrier Picard dans leur boîte aux lettres. Ils regardent juste mon dessin avant de se recoucher », avoue Alex, amusé. Pour Pessin dont les coups de crayon trouvent souvent leur place en page 2 du Monde, l’édito est le côté noble de la caricature. « Mais ma peur est de taper là où il ne faut pas et de m’en rendre compte le lendemain, confie le collègue de Plantu. J’essaye toujours de faire gaffe à la portée de mon dessin ! » Même credo chez Philippe Delestre de L’Est Républicain qui se fixe quatre limites : la diffamation, la vulgarité, la désinformation et la contre-information. Pourtant, le dessin de presse a pour vocation de chatouiller les lecteurs. « Il faut les dérider, quitte à les faire grincer des dents », jubile Alex qui n’hésite pas à publier des dessins osés « mais jamais trash ».

Si le Courrier Picard est particulièrement tolérant, ce n’est pas le cas de tous les quotidiens régionaux. La plupart des rédactions considèrent que leurs journaux doivent s’adresser à un lectorat diversifié. Pas question de publier un dessin qui ne fasse pas consensus. « C’est une erreur, affirme Alex. Le lecteur a besoin d’être bousculé. » Pourtant, certains titres de presse nationale connaissent le même travers. Intérêts financiers et publicitaires prévalent. Si personne ne l’avoue ouvertement, les cas de dessins refusés ne manquent pas. Ranson ironise à ce sujet : « mes meilleurs dessins ne sont jamais publiés ! »

La plupart des rédactions passent une commande précise à leurs dessinateurs. Si Pessin ne proposent pas plus de deux esquisses par jour, Ranson en envoie jusqu’à quinze au Parisien. « Ensuite le rédacteur en chef fait son choix. On peut appeler ça une censure, moi je me soumets à leur autorité », reconnaît-il. Alex, quant à lui, a carte blanche, une liberté à laquelle peu de dessinateurs peuvent prétendre, surtout en presse régionale. Même dans certains journaux satiriques, les caricaturistes doivent éviter certains sujets. C’est loin d’être le cas de Wilhem, qui peut se vanter de jouir d’une totale liberté. « Je fais sortir tout ce qu’il y a dans ma tête, sinon j’en deviens malade, glisse le caricaturiste historique de Libération. Après, seulement, je fais le tri. »

Géraldine Couvreur, Hervé Devavry, Claire Pain, Jonathan Perrot et Laure Philipon.


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