Méconnus et souvent décriés, les groupes d’intérêts se multiplient auprès des institutions européennes. Au point de devenir partie intégrante du processus de décision.
Les 15 000 lobbyistes bruxellois ne travaillent pas pour les mêmes secteurs. Ils se répartissent en trois grandes catégories, selon le type d’intérêts qu’ils défendent.
70% travaillent pour l’industrie, mais dans des conditions très différentes, selon leurs moyens financiers. Quand la minuscule association européenne des refroidisseurs d’eau en bouteille (EBWA) ne possède qu’un petit bureau, les 140 employés de la fédération européenne de l’industrie chimique (CEFIC) occupent un building entier.
20% des lobbyistes oeuvrent pour des villes ou des régions d’Europe (la Catalogne en Espagne, la Bavière en Allemagne, la région Centre en France...) et des institutions internationales (l’Otan par exemple). Et seulement 10% défendent des intérêts particuliers, telle la Fédération des femmes actives au foyer ou la Fédération européenne des retraités et des personnes âgées. A cela s’ajoutent des organisations non gouvernementales (WWF, Médecins sans frontières).
Venus de Grande-Bretagne
Au total, 2600 groupes d’intérêt s’activent pour faire entendre leur voix et influencer les décisions des institutions européennes. Une tradition anglo-saxonne souvent décriée en France pour son manque de transparence. Le terme anglais « lobby » remonte en effet au XIXe siècle, lorsque dans ces couloirs de la Chambre des Communes, les membres des groupes de pression venaient discuter avec les parlementaires pour faire valoir leurs intérêts. Bruxelles applique aujourd’hui le même principe.
Avec désormais 27 Etats membres au sein de l’Union européenne, le consensus s’impose dans la prise de décisions. Une réalité vite comprise par les groupes d’intérêts qui redoublent d’efforts pour évincer une concurrence souvent féroce.
Stratégies communes pour intérêts divers
Si les intérêts divergent, les méthodes restent les mêmes. Pour se faire entendre, les lobbies privilégient les « contacts réguliers, souvent informels » avec les fonctionnaires européens, affirme Paloma Agrasot (WWF). Des rencontres « toujours très transparentes ». Bruno Dupont, dont la société conseille une quarantaine d’organisations dans des secteurs aussi variés que la banque, l’agro-industrie ou les transports, ajoute : « Nous indiquons systématiquement le nom de nos clients ». Les autres activités visent à sensibiliser le grand public. Par des réunions, des conférences, des débats ou des messages dans la presse.
Désormais connus et reconnus, les lobbies sont devenus partie intégrante du paysage européen. Au point d’investir un quartier entier dans la capitale belge : quatre kilomètres carrés entre le rond-point Schuman, l’avenue de Cortenbergh et la rue de la Loi.
Marie Lorand, Laure Philipon, Damien Piscarel