Avec 8 millions d’abonnés, World of Warcraft (prononcez « WoW », pour les puristes), est le jeu de rôle multijoueur en ligne le plus populaire à ce jour. Dans cet univers virtuel s’est peu à peu nouée une vie bien réelle. Comme pour ce jeune couple, qui s’est formé dans le jeu, avant de le devenir à la ville...
Deux gouttes d’eau, dans l’océan de fans d’un succès planétaire. Comme près de trois millions de personnes dans le monde, Guillaume et Vaea ont acheté dès sa sortie -le 16 janvier dernier- la nouvelle extension de World of Warcraft. Sauf que pour eux, « WoW » est un peu plus qu’un simple jeu de rôle en ligne : c’est là qu’ils se sont rencontrés, dans cet univers Heroïc-fantasy en 3D où vivent, se battent et commercent les avatars elfes, orques et nains de gamers venus du monde entier. Aujourd’hui ils vivent ensemble, dans le monde réel. A Tahiti, plus exactement, d’où est originaire Vaea. Guillaume, lui, a tout plaqué en métropole pour l’y rejoindre.
« Un monde virtuel, mais des émotions bien réelles »
« Au départ, ça n’allait pas plus loin que le jeu entre nous, se souvient-il. Un ami commun nous a d’abord présenté. On a commencé à faire des quêtes ensemble, à sympathiser... » Les quêtes, c’est l’Alpha et l’Omega de la sociabilité dans l’univers codifié de World of Warcraft. Ces missions - souvent la recherche d’un objet magique émaillée de combats homériques - imposent aux joueurs de s’associer pour les mener à bien. Elles favorisent ainsi les rencontres, et scellent entre gamers alliances, amitiés, ou haines réciproques... « C’est un monde virtuel avec des émotions bien réelles, résume Vaea. Comme dans la vraie vie, on voit assez vite qui sont les gens sympa, polis, serviables. Et qui sont ceux qu’il vaut mieux éviter... »
Entre le gros taureau anthropoïde et la voleuse zombie -avatars respectifs du couple- le courant est en tout cas bien passé. Ils se sont peu à peu retrouvés dans la même guilde (communauté de joueurs ndlr), et ont même célébré leur mariage fin 2005. « C’est à partir de là que je lui ai posé la question cruciale, se rappelle Guillaume. Je voulais être sur que c’était bien une fille avant d’aller plus loin. » Réponse positive de l’intéressée : après quelques conversations sur une messagerie internet, ils décidaient de se rencontrer.
Un espace de liberté
Une histoire atypique qui n’est pourtant pas exceptionnelle, à en croire Vaea : « récemment, la petite amie d’un membre de ma guilde l’a quitté pour un autre garçon, qu’elle a rencontré dans WoW. Du coup, elle a déménagé pour partir vivre avec lui en Belgique. » De fait, les jeux de rôle en ligne favorisent les rencontres : lieux virtuels par définition utopiques, ils mettent en relation des personnes qui n’auraient aucune chance de se croiser dans la vie réelle. Sans cet espace de liberté, Guillaume, le jeune instit’ de Périgueux, et Vaea, médecin scolaire polynésienne, ne se seraient probablement jamais connus.
« Mais aujourd’hui, cette liberté s’estompe un peu, regrette le couple. En deux ans d’existence, le jeu a évolué : des réseaux, des communautés se sont constitués. Il y a moins de rencontres spontanées qu’avant. » Passé l’euphorie des débuts, les pesanteurs sociales ont pris le dessus dans l’univers de contes de fées de World of Warcraft. Le jeu est désormais un monde à part entière, avec ses tares. Certains joueurs se spécialisent dans la spéculation sauvage : ils rachètent en masse des objets pour créer des pénuries et augmenter leur cours. Les vols ne sont pas rares, menaces et insultes sont monnaie courante. Comme si l’utopie, même virtuelle, ne pouvait survivre à l’épreuve du réel...