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« Poney sauvage » galope sur la toile

par Sarah Gandillot [28ème promotion].
Article publié le jeudi 1er février 2007.
 
Lisa Mandel, 29 ans, a déjà publié une dizaine d’albums, (les séries Nini Patalo et Eddy Milveux). Depuis mars 2005, comme beaucoup d’ auteurs de BD, elle a ouvert son blog, « Libre comme un poney sauvage ». Tranches de vie, billets d’humeur, Lisa manie l’humour et l’autodérision avec brio. Pour notre plus grand plaisir.

Lisa Mandel se dessine petite et trapue. Sorte de personnage hybride, mi-femme, mi-enfant. Dans la vraie vie, c’est une belle plante, grande et solide. Seuls ses cheveux courts et sa mèche sur le côté permettent de la reconnaître. « Les gens qui me connaissent bien trouvent que c’est ressemblant », assure-t-elle. Son double dessiné est sans doute une synthèse efficace de sa personnalité. Tout comme le titre, pour le moins mystérieux, qu’elle a donné à son blog, Libre comme un poney sauvage. « Le cheval est classe et fougueux. Le poney, c’est un cheval apprivoisé, plus humble. Ce titre résume bien mon paradoxe », explique-t-elle.

Par rapport à la majorité de ses petits camarades (Melaka, Boulet), Lisa Mandel a attrapé le virus du blog assez tardivement, « Au départ, je ne voyais pas trop l’intérêt », avoue-t-elle. Mais un grand voyage en Argentine, il y a un an et demi, a créé l’occasion. « Là, je me suis dit, il faut absolument que je tienne un journal de bord. Pour d’autres voyages, j’avais déjà tenu des carnets. Mais je n’avais pas eu la patience de le faire sérieusement. Ce n’était pas très abouti », raconte-t-elle. Pendant trois mois, Lisa a donc dépeint Buenos Aires à sa façon. Son blog est devenu un carnet de voyage insolite, loin, très loin des guides touristiques. Pour résumer, Buenos Aires selon Lisa c’est : des gens qui se promènent avec 15 chiens tenus en laisse, ne surtout jamais dire (question de sécurité) de mal de Maradona, des rues infiniment longues (« ah le numéro 102... Je dois aller au numéro 2448 ! »), et la pâte à tartiner Dulce de leche.

Le blog, une addiction

Lewis Trondheim, cette année président du festival d’Angoulème, grand fan des « BD-blogs », l’a alors repérée et lui a proposé, à son retour d’Argentine, de publier son journal de bord sur papier (chez Delcourt, collection Shampoing). Pour autant, elle n’a pas arrêté de mettre sa vie en ligne. « C’est devenu totalement addictif », concède Lisa. Depuis un an et demi, elle publie une note quotidienne, sauf le dimanche, où elle fait venir un invité qui a carte blanche. Des amis, le plus souvent, pas forcément connus dans le monde de la BD. Environ 5 500 personnes se connectent chaque jour sur son blog pour se délecter de son anecdote journalière. « Je suis moi-même complètement accro aux Bd-blogs », déclare-t-elle, ravie.

Pas d’exhibitionnisme

Les internautes se régalent des tranches de vie de cette jeune femme qui rêve de grands voyages, tout en étant gravement hypocondriaque, et de ses hilarantes névroses. Quand Lisa se tourne en dérision, on rit d’elle mais surtout de nous-même. Lisa fume trop, ne mange que des saloperies, et n’aime pas trop se brosser les dents. Au bar, elle prend une bière. Voilà qui nous rassure. Par ailleurs, elle apprend le Cambodgien et pratique le karaté. Les cinq années que Lisa Mandel a passées à Strasbourg, à l’école des Arts décoratifs lui ont fait perdre son accent de Marseille, sa ville d’origine. Il y a quelques mois, elle rejoint Paris, « la ville où les femmes sont menacées de calvitie à cause de la pollution », raconte-t-elle dans une de ses notes. Elle crayonne sans relâche aux côtés de trois autres artistes dans un petit atelier du 11ème arrondissement. Certaines conversations de haut vol entre collègues font d’ailleurs l’objet de notes à se tordre de rire. La légèreté, l’humour, et l’autodérision sont les maître mots de ce petit coin de Toile qu’elle s’est inventé. Car pour Lisa, tenir un blog, c’est donner beaucoup de soi mais en aucun cas étaler sa vie privée. « Je ne veux pas être exhibitionniste. Je ne veux pas parler de gens qui pourraient souffrir de ce que j’écris. Je ne veux pas régler mes comptes sur le blog », précise-t-elle. « Parler de mes problèmes d’argent ce n’est pas intime. Mais parler de la personne avec qui je vis, si. Je me méfie, car quand on donne trop de soi, on s’expose. On est plus fragile et plus susceptible. »

Trouver des astuces techniques

Mine de rien, cette activité de BDblogueuse, lui prend près d’une heure et demi par jour. « Mais c’est un entraînement, ça permet d’évoluer au niveau du dessin, de progresser », s’enthousiasme Lisa. « Comme il ne faut pas que ça prenne trop de temps, je dois trouver des astuces techniques pour faire vite. Ça oblige à plus se lâcher au niveau du trait ! », assure-t-elle. Le style de Lisa est cousin de celui de Reiser ou Brétécher. Elle dessine à la plume et colore à l’aquarelle. « C’est un extraordinaire moyen de se faire connaître et de communiquer sur ce que je fais à côté. Il y a beaucoup plus de monde à mes scéances de dédicaces ! », se réjouit Lisa. Le 5 février, la jeune femme part au Cambodge, pour un autre carnet de voyage. Avec un prof de dessin et quatre de ses élèves cambodgiens, ils vont parcourir le pays de long en large, loin des sentiers battus. Un projet à 12 mains à découvrir sur le blog.


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