Le salut de la transparence démocratique passe-t-il vraiment par Internet ? Après la publication des images de Ségolène Royal huée au Zénith ou en plein discours anti-enseignants, la question du partage en ligne des vidéos se pose.
Jules-ferry a uni la politique et l’Internet pour le meilleur et - surtout - pour le pire. Depuis sa publication le 8 novembre sur le site de partage de vidéos Dailymotion, près d’un million d’internautes ont vu le document pirate compromettant Ségolène Royal posté par ce mystérieux internaute. Dans la vidéo, la présidente de la région Poitou-Charentes s’en prend aux enseignants en collège qui ne font pas leurs 35 heures sur leur lieu de travail. A la veille de son élection comme candidate du Parti socialiste pour la présidentielle, Ségolène Royal était victime du concept très américain de “negative campaigning”. Un système qui consiste à nuire à son adversaire politique ou commercial par tous les procédés possibles.
Aux Etats-Unis, lors des élections de mi-mandat, le sénateur de Virginie en a fait les frais. George Allen, que les pronostics donnaient vainqueur, a perdu son siège au profit du candidat démocrate. Sur YouTube, des milliers d’internautes ont pu voir le sénateur sortant traiter un caméraman noir de « macaque ». Erreur stratégique, le caméraman en question était démocrate. Et au final : un fauteuil perdu de 7 000 voix contre toute attente.
Sur Dailymotion, la vidéo compromettant Ségolène Royal a été vue par près d’un million d’internautes. Photo : capture d’écran.
Les médias traditionnels prennent le relais
« Les vidéos postées représentent davantage pour nous une source d’inspiration que d’information », précise Christophe Abric, responsable de la rubrique multimédia à Tf1.fr, qui cite pêle-mêle Kamini et Social Supa Crew, dans le registre du divertissement. Les médias traditionnels se font pourtant parfois le relais des informations envoyées par les internautes. Ainsi, la fameuse vidéo de Jules-ferry a été diffusée quasiment in extenso dans le 20 heures de France 2, le vendredi 10 novembre. TF1 s’est contenté d’en montrer une dizaine de secondes.
« Méfiez-vous d’Internet ! » C’est en substance ce qu’a conseillé aux hommes politiques Eric Schmidt, le président de la firme américaine Google, lors d’une interview accordée début octobre au Financial Times. Selon lui, la classe politique ignore encore tout du pouvoir d’Internet. Alors que d’ici quelques années, des « détecteurs de vérité » pourraient bien traquer la moindre incartade de tout candidat sur le web.
Internet sera décidément le lieu de l’affrontement politique. Un atout pour la transparence démocratique. Mais aussi un danger : entre journalisme participatif et volonté de nuire, la frontière est perméable.