Envoyer ses mails, surveiller son compte en banque et chercher l’âme sœur tout en surveillant sa lessive, c’est le service que proposent les cyber-laveries. Espèce encore rare en France, à Auchel dans le Pas-de-Calais, les 11000 habitants de l’ancienne cité minière ont déjà accès à ce commerce qui s’adapte à nos usages d’Internet.
Sur la place du marché d’Auchel (Pas-de-Calais), à côté de la vitrine défraîchie d’un bar PMU et la mairie récemment ravalée, une devanture transparente a fait son apparition.
A la place de l’ancien pressing de la cité minière, un nouveau commerce. A gauche, dix hublots chromés, des distributeurs de lessive et d’assouplissant et des bacs à linge bleu électrique.
Pas de doute, c’est une laverie. L’originalité se trouve dans la pièce attenante sur la droite : le cyber espace. Six box informatiques reliés en réseau, le tout surveillé en permanence par deux webcams et par Eric Bazogue, le patron des lieux.
Les webcams permettent à Eric Bazogue de surveiller la consutlation de ses clients. Ces derniers peuvent surveiller leur machine de chez eux.
Ce jeune entrepreneur de 36 ans a importé ce concept de cyber-laverie du Canada. En voyage à Montréal en septembre 2005, il cherche une connexion Internet et tombe par hasard sur une cyber-laverie. « J’ai trouvé l’idée simple et exploitable, assure-t-il. Dans le même temps je cherchais à ouvrir un commerce dans la région de Béthune. Pas question que ce soit une énième friterie du coin. »
Après une étude de marché minutieuse, il ne lui reste qu’à convaincre les banquiers, assureurs et comptables de la viabilité de son projet. Une mission périlleuse ? « Il y avait ici une vraie opportunité. Le cyber-café avait fermé, le pressing aussi, se souvient-il. Certains m’ont pris pour un fou, d’autres pour un pionnier. Beaucoup de gens sont encore frileux quand ils entendent le mot cyber-espace. »
Pour son activité Internet, il cible la clientèle des 15-35 ans. Quant à la laverie, il espère garder les habitués de l’ancien pressing. Six mois après l’ouverture, il estime que 20 % de ses clients utilisent les deux services.
Les ados sous surveillance
Son constat est simple. Un français sur deux dispose certes d’un ordinateur avec connexion web. Mais les fonctionnalités d’Internet explosent : mail, chat, compte bancaire, e-commerce, e-administration... Résultat les gens deviennent « accros ». « Il y a une semaine des clients sont venus parce que leur ordinateur a planté. Passer quelques jours sans consulter leur mail, ça leur était impensable », sourit le jeune entrepreneur.
Un adolescent, emmitouflé dans sa veste de survêtement rouge, quitte son poste. « Vous pouvez mettre en pause mon compte ? Je sors fumer ma cigarette. » Eric Bazogue s’exécute. Un coup d’œil rapide sur les sites consultés par les jeunes internautes. « Je ne surveille que les ados. S’ils vont sur des sites pornographiques, je coupe leur connexion. Mes autres clients sont libres de surfer où ils veulent. » Ce soir, une jeune fille consulte ses mails et deux amis partagent le même poste sur lequel ils pianotent pour une recherche documentaire.
Au hit-parade des sites visités : Meetic et les chats sur MSN. « J’ai quelques clients homosexuels, note Eric Bazogue. Ici, ils peuvent consulter différents sites sans avoir à révéler leur sexualité à leur famille. »
Un couple d’une soixantaine d’années passe le seuil de la cyber-laverie. Un peu perdus au milieu du ronronnement des machines à laver, ils apostrophent Eric Bazogue. « Nous venons d’acheter un GPS. On nous a dit qu’il fallait Internet pour l’utiliser. Mais on n’y connaît rien. On n’a jamais eu d’ordinateur. » Il les écoute et leur donne rendez-vous le lendemain pour les aider. En quelques mois, l’ex- formateur web de chez France Télécom est devenu le consultant Internet de la petite ville.