Mélanie a toujours tenu des carnets, gribouillé sa vie sur un coin de table. « Parce que c’est beaucoup plus rigolo qu’un appareil photo et qu’on a toujours de quoi s’occuper à la terrasse d’un café », explique-t-elle. Mélanie Karali, est autodidacte. Elle n’a pas fait d’école d’art ni passé son Bac. Mais elle a grandi dans les bulles. « Je viens d’une famille de dessinateurs. Quand j’ai annoncé que je voulais à mon tour faire du dessin mon métier, ça n’a surpris personne », raconte-t-elle. Son père, son frère, son oncle, tous sont dans le milieu. Aujourd’hui, Mélanie travaille pour Psykopat, une revue entièrement consacrée à la BD, et publie régulièrement dans le magazine Spirou. C’est en regardant les blogs de Cha (http://blog.chabd.com) et Laurel (www.bloglaurel.com), deux dessinatrices aujourd’hui amies et collaboratrices, que Mélanie a eu l’idée de créer son propre espace sur le net. Attirée par ce nouveau média, totalement adapté à sa façon de travailler (le carnet intime), elle s’est lancée. C’était il y a trois ans. Depuis, une bonne partie de sa vie défile sur www.melakarnets.com. Une vie simple et ordinaire racontée avec humour et dérision. « Je ne fonctionne qu’avec le second degré, je déteste me prendre au sérieux », confie-t-elle.

Le dessin, c’est secondaire

Son trait crayonné est spontané, presque instantané, parfois « mal dessiné », comme elle dit. C’est selon les jours, et selon l’envie. « Pour moi le dessin dans une BD, c’est secondaire. Ce qui prime c’est la narration, la façon dont je raconte les choses », précise-t-elle. Et son quotidien, elle le retrace avec talent. Melaka, son double sur le papier, évoque tous les sujets sans taboo : les états d’âme de ses chats, son amoureux, Reno, également dessinateur de BD, son manque d’inspiration parfois, ses jours avec, et ses jours sans. Son déménagement il y a un an ou deux, à Gaillac, dans le Tarn, leur vie là-bas à tous les deux, dans le petit nid douillet qu’ils se sont créé. Leur bonheur d’avoir quitté Paris. Leur passion pour les séries américaines (Lost, 24 heures chrono, Six feet under, ou encore Nip Tuck), et les jeux vidéos. Melaka n’est pas du matin, boit du café, fume beaucoup, quelques pétards à l’occasion, a un tatouage sur le mollet. Elle a du mal à se mettre au boulot, est rarement contente d’elle... Bref, Melaka nous ressemble. Cela explique sans doute le succès de son blog.

De plus en plus d’accros

A chaque nouvelle note, les commentaires affluent. Chacun y va de sa blague, de son compliment, de son encouragement ou de son petit conseil . « Vous n’avez pas le basilic instinct », écrit un blogueur à propos d’une note hilarante intitulée « Le basilic, la plus hypocondriaque des plantes ». Un autre : « Je ne vais pas t’adresser une énième félicitation pour ce post et ton blog en général, tu vas attraper le melon » . Ou encore « J’espère que ton projet sera accepté par Spirou ». Ils sont de plus en plus de fidèles à devenir accros à ces tranches de vie. Cette interactivité réjouit Mélanie. « C’est super de savoir ce que les gens pensent de ton travail, d’avoir un retour sur ce que tu fais. Depuis trois ans je n’arrête pas de croiser des inconnus qui connaissent toute ma vie » s’enthousiasme-t-elle. Avant d’ajouter : « cela a un coté très égocentrique ». Peu importe : Melaka nous fait partager des moments de sa vie, et c’est réjouissant. Elle avoue tout de même se fixer certaines limites quant à son intimité.

« Cette notoriété c’est presque un peu trop »

La semaine dernière, elle a quand même évoqué sa grossesse. « J’ai attendu trois mois pour le dire. Mais ça me faisait plaisir de partager ce moment ! ». C’est Boulet (www.bouletcorp.com/blog), un ami blogueur, également auteur de BD, qui l’a annoncée aux internautes. Pour l’occasion, il a spécialement dessiné une note sur le blog de Melaka. Une sorte de parrainage anticipé. Les blogueurs qui racontent leur vie en BD, de plus en plus nombreux, interviennent respectivement sur les espaces des uns et des autres. « C’est devenu une grande famille », explique Mélanie. La notoriété de Melaka est grande sur la Toile alors qu’elle n’est encore qu’une jeune dessinatrice. Pour l’instant elle n’a publié qu’une seule BD papier, Romain, qui raconte ses traumatismes d’adolescence. « Cette renommée, c’est presque un peu trop par rapport à ce que j’ai réellement produit », avoue-t-elle. Un deuxième album devrait sortir début novembre : L’ange ordinaire. Son frère, Olivier Ka, en a signé le scénario. Vu le succès rencontré sur la Toile, pas de doute, les lecteurs suivront.